Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 7 août 2010

Ange - Angel, Ernst Lubitsch (1937)


Une jeune femme (Marlene Dietrich) arrive à Paris incognito et se rend chez une amie avec laquelle elle entretient un passé obscur, la grande-duchesse Anna (Laura Hope Crews) qui entretient un salon de rendez-vous. Elle y rencontre Tony Halton (Melvyn Douglas), qui la prenant pour la grande-duchesse l'invite à dîner Tony tombe vite amoureux de la jeune inconnue qu'il surnomme Ange ("Angel" en anglais) et ils passent une soirée très romantique Mais à la fin de la soirée, Ange s'enfuit en lui faisant promettre de l'oublier et de ne jamais chercher qui elle est. Ange est en réalité l'épouse du diplomate Frederick Barker qui, souvent à l'étranger, et plus particulièrement à la SDN, la laisse seule la plupart du temps.


L'uns des rares échecs commerciaux de Lubitsch est sans doute aussi un de ses films les plus subtils. Un récit typique de ménage à trois et d'adultère passé à la Lubitsch's touch mais pour un résultat surprenant où tout l'humour et l'outrance caractéristique de son auteur semble avoir été mise en retrait. La scène d'ouverture donne le ton lorsque Marlène Dietrich rencontre par quiproquo le séduisant célibataire Melvyn Douglas. Leur dialogue est un festival de sous entendus à double sens sexuels où Douglas prenant Dietrich pour l'entremetteuse dont il était venu chercher les conseils lui demande sans ambages les coins parisiens où s'amuser à deux. Dietrich épouse délaissée se laisse prendre au jeu pour rire mais tout se complique quand l'amour s'en mêle.

Dès lors le triangle amoureux qui s'ensuit, plutôt que de verser dans la comédie de moeurs à porte qui claque, donne presque dans le drame feutré, tout en retenue où les douleurs de chacun s'expriment en creux. Les problèmes du couple en Dietrich et Herbert Marshal s'expriment ironiquement dans les instants où ils (surtout lui) se félicitent de leur bonheur. L'émoi des retrouvailles des deux amants se ressent lui du point de vu des domestique qui constatent en cuisine qu'aucun des deux n'a touché son assiette lors d'un dîner commun avec le mari qui lui serein a englouti son repas, fabuleux.

Tout le film joue sur cet équilibre là, jamais ouvertement comique ni excessivement dramatique, où les tourments intérieurs nous apparaissent plus par la psychologie fouillée des héros que par les situations délesté du côté plus mordant et survolté de Lubitsch. Ce dernier évite toutes les facilités en plaçant les rivaux sur un pied d'égalité, tout deux, riches séduisant (et ayant partagé précédemment la même maîtresse comme le révèlera un échange) et avec chacun des raisons d'être choisis par Dietrich qu'ils aiment tout deux.

Après avoir célébré l'amour libre à la fin de Sérénade à trois (autre grand récit de triangle amoureux) Lubitsch fait preuve de tout autant d'audace ici où l'adultère fait figure de moteur pour relancer le couple, le doute et la confiance ébranlée altérant la sérénité de façade pour une attention plus marquée pour l'autre désormais. Une superbe tirade Dietrich exprime bien cette idée en conclusion. Le talent de Lubitsch et les prestations époustouflantes des trois acteurs portent très haut la puissance dramatique du film.

Dietrich trouve un de ses rôles les plus émouvants, et Melvyn Douglas et Herbert Marshal offre une palette tout aussi brillante. Ce registre plus fin et sans excès ne rencontrera pas le public, venu pour assister à une grosse farce pourtant tout Lubitsch est là le trait grossis en moins.

Sorti en dvd zone 2 français chez BAC Film.

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