Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 11 septembre 2011

Pris au piège - Caught, Max Ophuls (1949)


Leonora, une jeune fille qui rêve de réussite sociale, rencontre Smith Olhrig, un homme très riche, séduisant et froid, qui décide de l'épouser pour contredire son psychanalyste à qui il raconte sa déception après qu'elle n'ait point cédé à ses avances conquérantes. La jeune fille se laisse prendre au piège, et épouse son vrai-faux prince charmant, qui la délaisse aussitôt qu'il en a fait sa chose, la considérant plus comme un accessoire décoratif, que comme sa femme.


Sans être le meilleur de la période américaine d'Ophuls, Caught est un film tout à fait prenant. Comme souvent chez Ophuls, il est question d'une jeune fille jouet des hommes où au drame va s'ajouter une fable morale un peu lourde par moments mais rendue limpide par la mise en scène inspirée d'Ophuls. Leonora Eames (Barbara Bel Geddes) est donc une jeune fille frivole rêvant de château en Espagne et de réussite sociale, une artificialité de caractère appuyée dès le générique faisant défiler les pages d'un catalogue de mode.

Ses vœux semblent s'exaucer lorsqu'elle croise la route du magnat Smith Olhrig (Robert Ryan) mais réellement amoureuse elle découvre bientôt qu'elle ne dépasse pas pour lui le statut d'objet qui une fois acquis, n'a plus aucun intérêt. La scène du psychanalyste où il décide de se marier par défi est ainsi lourde de sens sur la nature du personnage de Olhrig, véritable enfant gâté dont le monde n'est qu'un magasin de jouet où il peut se servir, la moindre contrariété le faisant trépigner avec de psychosomatique alerte cardiaque.

On a parfois associé le portrait de ce magnat à William Randolph Hearst (inspirateur de Citizen Kane comme on le sait) mais il semble que Libbie Block auteur du livre dont Caught s'inspirait d'un autre excentrique tyrannique notoire à savoir Howard Hughes. Ophuls qui eut maille à partir avec Hughes lors du tournage de Vendetta dont il fut renvoyé (tout comme un Preston Sturges déclinant) dû donc se délecter de cette discrète revanche et l'interprétation extraordinaire d'un odieux Robert Ryan est là pour le souligner.


Lasse des brimades de son époux, Leonora décide de de retourner à la "vraie" vie et va s'amouracher de James Mason, médecin idéaliste et en tout point l'opposé de Olhrig. Le script a la main un peu lourde dans les dialogues sentencieux, personnages (la meilleur amie de Leonora...) et situation un peu caricaturale pour asséner le message qu'on a bien compris (Et Leonora assez vite aussi) : non l'argent et la richesses seuls ne font pas le bonheur. Il faut tout le brio de James Mason parfait en médecin concerné des quartiers populaires pour ne pas tourner à la démonstration. Barbara Bel Geddes s'avère moins convaincante, sa fadeur sied bien au personnage au départ mais lorsqu'elle se reprend en main on ne sent jamais s'estomper cette fragilité finalement.

C'est lorsque Ophuls exprime ces thématiques par sa mise en scène que le film trouve toute sa force. On a donc clairement là avec cette dichotomie monde des nantis/milieux populaires une sorte de métaphore entre la vie et la mort. Dès sa première apparition, la voix d'Olhrig surgit des ténèbres avant de se dévoiler tout de noir vêtu, spectral et inhumain.

Dans l'immense résidence de Long Island où vivent les époux Ophuls multiplie les plans-séquences, travelling et mouvement d'appareils soulignant le vide et l'absence de vie des lieux. Les cadrages amples séparent constamment les personnages dans les décors pour appuyer le fossé affectif entre eux. A l'inverse la chaleur et la tendresse de la relation entre Barbara Bel Geddes et James Mason se ressent par les décors plus exigus ou plus peuplés tendant toujours à les rapprocher, que ce soit la très bruyante salle d'attente du cabinet, le bar et sa piste de danse bondées.


Le film déçoit néanmoins dans une dernière partie un peu laborieuse à la conclusion expédiée qui ne parvient pas tout à fait à équilibrer son happy-end qui résulte quand même d'un élément tragique, une fausse couche. La seconde collaboration entre Ophuls et Mason sera la bonne avec Les Désemparés bien meilleur que cette inégale tentative desservie par sa production mouvementée.
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild side

Extrait

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