Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 3 novembre 2015

The Reckoning - Jack Gold (1969)

The Reckoning est un drame social qui anticipe grandement le célèbre Get Carter (1971) de Mike Hodges même si injustement il n'en a pas eu la postérité. Le postulat est pratiquement identique et certaines situations très proche mais pour un résultat et un constat très différent. Mick Marler (Nicol Williamson) est un business man impitoyable prêt à tout pour réussir, vivant à cent à l’heure tant dans sa vie privée qu'au sein de son entreprise où il est en charge des basses besognes. Son passé prolétaire le rattrape lorsqu'il est appelé au chevet de son père victime d'une crise cardiaque dans son Liverpool natal. Son père mourra à son arrivée mais non sans laisser à Mick l'occasion de constater la vraie cause du décès : il a été tabassé. Dès lors notre héros va se mettre en quête de vengeance après les responsables. Le scénario (adapté du roman The Harp that once de Patrick Hall) prend alors un tour bien plus surprenant que le simple film de vigilante, tout en se démarquant complètement de Get Carter auquel l'on est forcé de penser.

La vengeance est finalement accessoire et importe moins que le conflit moral qui agite Mick Marler. Ce retour aux sources sera la cause d'un déchirement entre ses anciennes et nouvelles vie. Pour s'élever au sommet Mick s'est constitué un mode de vie clinquant et superficiel avec demeure luxueuse, voiture de sport et épouse aux allures de mannequin (Ann Bell). Un pur environnement d'anglais nanti totalement opposé aux faubourgs de Liverpool qu'il retrouve et surtout à ses origines irlandaises où il fut éduqué dans la haine et la méfiance envers les anglais. Sa culture irlandaise et prolétaire appelle à se faire justice lui-même, ces nouvelles dispositions de bourgeois anglais l'incitent à laisser la police s'en occuper et retourner à ses affaires. Tout le film tourne autour de cette interrogation, porté par la prestation rageuse de Nicol Williamson.

La mise en scène de Jack Gold se plie ainsi aux états d'âmes de son personnage principal. Le début du film démontre sa froide détermination, son caractère glacial et l'urgence de son ambition par un montage heurté et le score nerveux de Malcolm Arnold. Mick n'a pas de temps à perdre : une violente dispute avec son épouse vire à l'étreinte fiévreuse sans prévenir, il conduit plein pot et au mépris du danger son bolide sur les route et intimide même ses supérieurs par le chantage pour gravir les échelons de son entreprise. Le rythme daigne se ralentir et le héros s'humaniser lorsqu'il apprend l'état de son père. La silhouette de Mick se perd alors dans le cadre portuaire et industriel de Liverpool, se perdant dans le décor comme lui dans ses pensées. Pourtant sa hargne demeure, stimulée par la brutalité de cette classe ouvrière (une scène de pub virant à la bagarre générale) mais il hésite à la diriger vers la vengeance ou à nourrir son ambition.

Cette crise entraîne le personnage dans une phase autodestructrice où il constatera que sa réussite ne tient qu'à un fil (et notamment une épouse prête à le quitter au premier accroc). L'opposition dans le ton et l'imagerie entre la province prolo et le raffinement londonien annoncent donc Get Carter mais le ton diffère du fait que la vie citadine est représentée par le monde des affaires dans The Reckoning quand il s'agit de celui du crime dans Get Carter. Une différence fondamentale qui faisait de Michael Caine un équivalent à ce qu'il traquait, le déshumanisant dans ses exécutions féroces et le condamnant au final. Mick Carter est plus vulnérable et humain, la revanche sur ses origines se ressentant à tout moment sans qu'il n'ose complètement les renier.

Dès lors la fameuse vengeance est totalement expédiée et arrive tardivement, l'impunité à la commettre perdant alors Mick en constituant un exutoire. Le final est sans doute plus cinglant encore que celui de Get Carter, quittant un Mick Marler tout puissant, vainqueur sur tous les tableaux et lâchant une ultime réplique mémorable. Si la tragédie rattrapera Michael Caine pour ses actes dans Get Carter, le crime est source d'accomplissement pour Nicol Williamson dans un cynisme réjouissant. Une vraie œuvre marquante et complément idéal (plus social que polar) à Get Carter.

Sorti en dvd chez Sony sans sous-titres 

1 commentaire:

  1. J'ai découvert ce film il y a peu, Nicol Williamson y est impérial, tout en tension permanente, on dirait qu'il va tout casser à la moindre contrariété !! Je n'avais pas "Get Carter" en tête car vu il y a longtemps, ce qui est intéressant dans "The Reckoning" c'est le retour de ce cadre aux dents longues vers son milieu ouvrier d'origine, comme tu le dis si justement. A noter que depuis il est disponible en combo s-titré anglais HoH chez Powerhouse Films.

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