Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 4 avril 2016

Une fille formidable - Ci troviamo in galleria, Mauro Bolognini (1953)

Ignazio Panizza detto Gardenio, un vieil artiste de variété qui n'a jamais connu le succès, gagne péniblement sa vie en présentant des spectacles de troisième ordre dans les provinces. Il n'est donc pas étonnant qu'il soit hué et sifflé lors d'une de ses représentations. Au cours de cette dernière, à la demande des spectateurs, Caterina, la séduisante caissière du bar, est autorisée à chanter. C'est un succès et Caterina rentre immédiatement dans la petite troupe de Gardenio. C'est alors qu'un imprésario propose un contrat en or à la jeune femme. Elle accepte à la condition que Gardenio en est un aussi...

Après des études d'architecture à Florence, Mauro Bolognini s'était réorienté vers le monde du cinéma où il gravira lentement les échelons, assistant-réalisateur en Italie (essentiellement pour Luigi Zampa) et en France pour Yves Allegret sur Nez de cuir (1952) et Jean Delannoy pour La Minute de vérité (1952) avant d'avoir sa chance la mise en scène avec Une Fille formidable. Le film s'inscrit dans le mouvement du "néoréalisme rose", délaissant la noirceur du néoréalisme pour une veine plus légère qui amorcera la tradition vers la comédie à l'italienne. Mauro Bolognini reniera par la suite ces comédies de commande antérieure à sa collaboration avec Pasolini qui le dirigeront vers un cinéma d'auteur entre mélodrame et film en costume mais Une fille formidable constitue néanmoins un charmant divertissement où l'on décèle déjà les qualités du réalisateur sous les conventions.

Le film est une sorte de relecture italienne et positive d'Une étoile est née. On quitte le strass de la version hollywoodienne pour plonger dans les galères des artistes de scènes italien. Dès la scène d'ouverture, l'élégance de la mise en scène de Bolognini (un mouvement de grue arpentant le décor d'une galerie marchande où se retrouvent les artistes en quête d'emploi) se conjugue à la trivialité et truculence des échanges avec le vétéran Gardénio (Carlo Dapporto) essayant tant bien que mal de réunir une troupe pour une tournée. Le boniment grossier n'a d'égal que le manque de moyen, les artistes devant financer eux-mêmes le voyage. On rit également beaucoup lors des scènes de tournée, entre désagréments ordinaires (car brinquebalant tombant en panne au milieu de nulle part) et un public provincial rustre au jet de projectile facile.

Autre élément de discorde, la guerre des égos entre les artistes avec en tête une Sophia Loren aussi sexy que teigneuse (et rousse !) qui trouve là son premier rôle important au cinéma. Au milieu de ce chaos Gardénio va pourtant trouver la perle rare avec Caterina (Nilla Pizzi), jeune chanteuse en quête d'ailleurs et qu'il va ramener avec lui à Rome. Le talent de Caterina lui offre enfin les contrats auquel il aspirait mais la protégée très sollicitée va prendre son envol, non sans reconnaissance pour Gardénio qu'elle va épouser.

Le film réinterprète avec habilité la thématique d'Une étoile est née, l'égo du "pygmalion" étant mis à mal par le triomphe de Caterina. Patauger en solidarité avec sa troupe de saltimbanques ou être le faire-valoir de sa star d'épouse est ainsi le dilemme de Gardénio, ajouté l'humiliation d'être entretenu dans cette société italienne machiste. Le montage et la réalisation de Bolognini dresse peu à peu un cruel parallèle entre eux. Caterina perd en gaucherie et déploie une aura de diva (dans l'allure comme les tenues de scènes) au fil de ses prestations radiophoniques, Bolognini la magnifiant par ses mouvements de caméra et ses cadrages en plongée. La transition n'en est que plus cruelle avec le studio étriqué où Gardénio en est réduit à enregistrer des jingles publicitaires, toujours plus humilié.

Malgré quelques péripéties, jamais le script n'explore la noirceur d'Une étoile est née, en restant à la légèreté et la bonne humeur inhérente au réalisme rose. Dès lors on s'accroche à la forme où Bolognini brille à mettre en valeur ce monde du spectacle. La dernière scène offre aussi un superbe moment, gardant le côté bricolé de ces artistes modestes tout en déployant un faste et une sensualité qui culmine avec une inoubliable dans lascive de Sophia Loren. Un bon moment porté par l'alchimie et la vérité émanant du couple vedette, Carlo Dapporto étant un vrai artiste du music-hall italien depuis les années 40 et Nilla Pizzi une star de la chanson italienne de l'époque.

Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Vidéo 

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